Cet article s’intéresse à l’afflux et à la circulation d’objets venus de l’étranger dans l’Union soviétique des années 1940, pour s’interroger sur cette variante soviétique de l’édification des objets en enjeu de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale. Il montre comment les enjeux de la distribution d’une aide humanitaire recoupent celui de la (non) reconnaissance du génocide des juifs soviétiques sous l’occupation nazie, mais aussi celui des hiérarchies sociales staliniennes. Il explicite les raisons pour lesquelles l’occultation de l’origine et des circonstances exactes qui présidèrent à l’entrée de ces objets dans les foyers soviétiques sert à maintenir dans l’ombre les exactions commises par les troupes de l’Armée rouge à l’égard des vaincu(e) s. Il corrige enfin l’image d’une société soviétique qui découvre pour la première fois le luxe et la modernité occidentale à la faveur de la guerre, en revenant sur la place et le sort de ce type d’objets dans la civilisation matérielle stalinienne de l’entre-deux-guerres.
English
Loss, Gift and Plurder : Stalin-Era Culture, Foreign Aid, and Trophy Goods in the Soviet Union during the 1940s This article focuses on the influx and circulation of foreign objects in the Soviet Union during the 1940s in order to investigate the specific role of these objects during World War II. It reveals how the distribution of humanitarian aid intersected with both the (non) acknowledgement of the genocide of Soviet Jews during the Nazi occupation and Stalinist social hierarchies. It explains why effacing the origins and precise circumstances through which these objects entered Soviet homes served to hide the abuse the Red Army perpetrated against their defeated enemies. This article revises the image of a Soviet society that discovered luxury and Western modernity for the first time during the war by reconsidering the place and trajectory of these objects in Stalinist material culture of the interwar period.
Moine Nathalie